Anne Cibron, la manageuse de Booba
Aujourd’hui on a décidé de vous faire un nouveau portrait, celui de Anne Cibron, manageuse d’artistes depuis une vingtaine d’années.
C’est une juriste de formation, mais elle savait avant même de rentrer dans la vie professionnelle qu’elle ne ferait pas juriste toute sa vie. Elle considère en effet, le métier de juriste comme un simple outil mais pas une fin en soi.
Attiré par le monde de la culture et de l’art, elle se spécialise dans le monde de la musique et elle commence chez Warner Music en 2000 pour seulement 1 an puisqu’elle indique dans l’interview qu’elle a donné pour le média “I-D” de “Vice” :
”J’ai été débauché par une autre maison de disques puis par le manager de MC Solaar, Daniel Margulez, pour devenir son juriste. C’était quelqu’un que j’aimais beaucoup, il est mort il y a quelques mois. Il m’a appris à produire un album, à avoir une perception complète du milieu, une vision 360° de la gestion d’un artiste”.
C’est ainsi qu’elle abandonne petit à petit son métier de juriste pour commencer à accompagner certains artistes, sans pour autant être la manageuse attitrée d’un tel ou d’un tel. Mais sa rencontre avec Booba en 2002, au moment de la sortie de son premier album solo ”Temps Mort” va être un tournant pour elle.
En effet, elle est amenée à travailler avec lui puisqu’il cherche des conseils juridiques étant donné qu'il souhaite à terme être indépendant seul, en quittant le label 465 Scientifique (il avait bien évidemment sorti “Lunatic” avec Ali quelques années auparavant en indépendant, mais c’est la première fois qu’il se retrouvait à devoir se structurer tout seul).
Anne Cibron indique que c’est :
“Une grande rencontre artistique et personnelle pour moi. En fait, ça a toujours été une évidence”.
Depuis 2002, ils ne se sont plus quittés, et elle supervise aujourd’hui les deux labels de Booba “92i” et “7 Corp” tout en étant devenue sa manageuse officielle.
Elle trouve une véritable vocation à accompagner les artistes pour leur rendre la vie plus simple en les aidant à réaliser tous types de projets. Cette entente avec les artistes elle l’explique par le fait qu’elle en est une, elle aussi.
En effet, elle écrit des chansons et elle aime beaucoup peindre à ses heures perdues. Elle dispose même d’une licence d’arts plastiques en plus de sa formation de juriste. Elle aime particulièrement les artistes pour leur singularité, leur vision différente du monde… Elle souhaite les aider car elle les comprend, et elle estime que c’est important qu’il puisse s’épanouir en diffusant leur vision différente (quelle que soit la forme) au grand public, elle appelle cela leur “personnalité”.
C’est cet état d’esprit qui lui permet de créer des relations aussi fortes avec ses artistes, et c’est aussi ce qui explique une grande partie de son succès.
Elle explique très bien tout cela dans l’interview qu’elle a donné pour “I-D”, car quand on lui demande quels conseils elle pourrait donner à un jeune artiste, elle répond ceci :
“Aujourd’hui, il faut avant tout construire une marque et une marque, ce n’est pas juste un bon album. Une marque, c’est une personnalité forte. Avec internet, on arrive à un moment de la société où tout est lisse, tout se ressemble. Tout le monde a peur de faire le faux pas qui le précipitera dans la “cancel culture”. (…) Les artistes font des choses très neutres et très banalisées. Hors, c’est un peu le contraire de ce qu’on demande à un artiste. Je ne pense pas qu’un artiste doit toujours être dans le clash mais il doit avoir une vision singulière du monde, un prisme totalement unique dans lequel les jeunes notamment se reconnaissent. Un artiste, c’est quelqu’un qui est capable de générer une émotion chez l’autre. Finalement, c’est le regard de l’autre qui fait de l’artiste ce qu’il est. Il y a des gens qui sont très doués mais qui n'arrivent pas à avoir cette vision. Je conseillerais donc aux jeunes de se construire une vraie personnalité : exprimer qui ils sont et ne pas faire de la musique industrielle. Il faut inventer sa propre recette.”
Dans cette perspective, le bon manager est donc celui qui accompagne l’artiste dans ses projets afin que celui-ci arrive à s’épanouir dans sa personnalité.
Mais les projets en question ne sont pas forcément artistiques. En effet, Anne Cibron a par exemple aussi bien aidé Booba à se produire en tant qu’artiste indépendant, qu’à l’aiguiller pour monter sa propre marque de vêtements (Unkut puis Disconnected), sa marque de whisky (D.U.C Triple Cask), son propre média (OKLM), et bien sûr ses propres labels (92i et 7 Corp). Elle détient même 50% des parts de 7 Corp.
Cette diversité fait de Booba un homme d’affaires multimillionnaire accompli et plus seulement un artiste. Son patrimoine serait compris entre 40 et 60 millions d’euros, ce qui fait de lui le rappeur français le plus riche, et de loin !
S’il a autant réussi dans les affaires, c’est grâce à son âme d’entrepreneur évidemment, mais aussi en grande partie grâce à sa manageuse, qui l’a accompagné dans tous ses projets.
Elle ne travaille donc qu’avec des artistes uniques, ayant un univers artistique atypique et singulier. Booba bien sûr, mais c’est aussi la manageuse d’Orelsan, Danny Synthé, Ash Kidd et de Nekfeu pendant un temps. De plus, sans être leur manageuse officielle, elle a aussi aidé d’autres artistes comme Rilès ou la Mafia K’1 Fry par exemple.
Mais aujourd’hui, elle n’arrive plus forcément à trouver son bonheur parmi la nouvelle génération :
"La nouvelle génération, élevée au marketing et au narcissisme des réseaux sociaux, manque de fraîcheur dans l'approche du business, il y a moins de magie.”(…) ils s'autoproclament artistes parce qu'ils écrivent quelques mots, chantent plus ou moins bien”
En 2021, elle faisait partie du classement des 20 personnalités les plus influentes du Rap français (hors artistes) par Booska-P. Elle est placée 5ème.
À noter aussi qu’il s’agit seulement de l’une des trois femmes du classement.