Fifou, le photographe des covers du Rap français
Il y a des personnalités du monde de la musique connues de tous dans le milieu mais pas forcément aux yeux du grand public. C’est le cas par exemple de Fifou (Fabrice Fournier) dont tu as forcément déjà vu son travail, sans forcément t’en rendre compte.
En effet Fifou est un photographe qui s’occupe depuis plus de 20 ans d’une bonne partie des covers du Rap français, il est à l’origine de plus de 600 d’entre elles. De Booba, en passant par PNL, Kekra, Despo Rutti, Laylow… Ou bien encore d’artistes indépendants n’ayant jamais percé.
Il revient très bien sur 20 d’entre elles au cours d’une interview pour Clique avec Mouloud Achour :
Clique qui produit notamment son livre “Archives” qui revient sur ses 20 ans de carrière.
Mais Fifou est à la base un illustrateur de formation et il a commencé chez le magazine “Radikal” en tant que tel. Il est d’abord dessinateur, puis il se dirige de plus en plus vers la photographie en bossant pendant des années avec des petits artistes indépendants.
C’est sa collaboration avec Lino pour “Paradis Assassiné” en 2005 qui lui permet de gagner en notoriété en collaborant pour la première fois avec un artiste signé en maison de disques.
Mais même en commençant à shooter petit à petit des grands noms, ils continuent à “shooter les vilains” comme dit Oxmo, ce qui lui permet de devenir la référence pour une grande partie des rappeurs français indépendants qui souhaitent simplement une cover sans se prendre la tête.
Au fur et à mesure, il fait des covers d’albums sa spécialité, bien qu’il ne soit pas simplement un photographe. En effet, on fait de plus en plus appel à ses services de directeur artistique pour travailler l’image d’un artiste à l’image d’Axelle Gomila, la styliste d’SCH, dont on a déjà parlé ici.
Durant ses 10 premières années, Fifou réalise beaucoup de covers mais sans forcément bien gagner sa vie, et surtout il sent que son travail tourne en rond. En effet, les demandes des artistes sont souvent redondantes car elles sont beaucoup inspirées les unes des autres, et surtout des Etats-Unis.
Bien souvent les couleurs sont sombres, l’artiste y est représentée en gros plan sans sourire ni même émotion particulière, en exposant ses biens matériels. Voilà tout.
Fifou commençait alors à songer à arrêter mais en 2012, le Rap prend un nouvel essor sous l’impulsion d’artistes comme la sexion d’assaut et de 1995 notamment.
C’est d’ailleurs en 2012 qu’il signe l’une de ses plus belles covers qui fera beaucoup réagir pour l’album de Youssoupha :
Le concept était de mettre en valeur la couleur noire tout en cassant les codes. L’idée de faire un ange noir est alors apparue. Outre le concept innovant, le fait que l’artiste ne soit pas représenté, ni même le titre de l’album est inhabituel, surtout pour l’époque.
Fifou indique lui-même qu’une bascule se fait, en particulier à partir de 2014-2015. À partir de cette période, les rappeurs deviennent bien plus décomplexés vis-à-vis de leur image et sont plus ouverts aux propositions artistiques, tout comme eux-mêmes sont maintenant force de proposition en ramenant des idées de concepts à Fifou.
Les graphistes deviennent aussi plus importants, puisque l’image prend une place maintenant non-négligeable dans le quotidien des artistes comme on a déjà pu le voir.
Fifou est alors amené à collaborer avec des graphistes pour réaliser des covers qu’il n’aurait pas pu réaliser sans eux. Il dit même qu’aujourd’hui, il n’a parfois pas grand-chose à faire pour certaines covers qui sont réalisés en grande partie sur ordinateur par des graphistes comme celle de Kekra pour son album ”Land” :
Il travaille aussi maintenant avec les réalisateurs de clips ce qui permet de donner des visuels cohérents de A à Z d’un artiste pour la sortie de son projet, de ses clips, jusqu’à la cover de son projet.
On peut prendre l’exemple de Ninho avec “Destin” sortis en 2019. La cover est signé Fifou, selon une idée de Ninho, et on peut y voir une réelle collaboration entre graphistes, réalisateurs, et Fifou, afin de donner une ligne directrice cohérente. En effet dans le clip de “goutte d’eau”, qui est le premier single, celui-ci permet l’annonce de la sortie de l’album avec le dernier plan qui forme la cover :
C’est à partir de 2018, en travaillant sur l’album Julius de SCH, que Fifou a vraiment commencé à toucher à la direction artistique, mais aussi à shooter les rappeurs sans grandes occasions, simplement pour leurs réseaux sociaux par exemple.
Aujourd’hui, il témoigne du fait que pour certains artistes de maisons de disques, toute une équipe arrive (parfois même pour un simple shooting) avec une DA choisis en amont à respecter, des couleurs bien définis, un concept etc.
C’était le cas pour la pochette d’Aya NAKAMURA, pour l’album “Nakamura”, certes minimaliste, mais qui s’inspire du film “Kill Bill”.
Le risque quand on a le rôle de Fifou c’est que la vision artistique qu’on avait réfléchie pour un artiste ne lui plaise pas au final.
Cela a été le cas pour la pochette de “Comme prévu” de Ninho, son premier album studio sorti en 2017, pour lequel Fifou a proposé cette cover :
Le concept n’a pas plus à Ninho qui a préféré la photo suivante, plus classique, et qui sera retenus :
À la fin, c’est toujours l’artiste qui décide puisqu’il s’agit de sa propre image.
Quoi qu’il en soit, si toi aussi tu recherches un photographe de talent pour la pochette de ton projet, ou bien quelqu’un pour t’aiguiller sur ton image et tes visuels, tu le trouveras aisément sur TheRoom.music !